Lettre ouverte de l'épicerie gratuite écrite à l'occasion des 4 ans de L' association !



LETTRE OUVERTE DE L'ÉPICERIE GRATUITE DE RENNES 2

 En ce jour d’anniversaire de l'Épicerie Gratuite, nous souhaitions en profiter pour faire preuve de transparence sur les réflexions qui nous traversent. Nous sommes aujourd’hui incapables d’accueillir tous·tes les étudiant·es dans le besoin, le volume des denrées que nous distribuons ne suffit pas. Ainsi, l’évolution du champ de l’acceptable dans la file d’attente toujours plus longue témoigne d’une situation préoccupante ; les personnes sont prêtes à patienter plus d’1h30 pour repartir avec des denrées trop souvent de piètre qualité. Alors qu’explosent d’autres postes de dépenses tels que le loyer ou l’énergie, l'alimentation constitue la variable d’ajustement des personnes les plus en difficulté financièrement.

 Nombreux·ses sont celles et ceux qui cumulent emploi et études parmi les bénéficiaires de nos distributions. Nombreux·ses également sont celles et ceux qui se voient refuser les bourses du fait de critères administratifs restreints. Pourtant, parmi ces chanceux·ses que l’on appelle boursier·es, il convient de rappeler que 31,8% sont échelon 0bis et bénéficient uniquement de 108,40€ chaque mois.

 La précarité augmente et notre activité ne cesse donc de croître. Cependant nous ne pouvons pas repousser les murs de notre local, nous ne pouvons pas faire un 35 heures de bénévolat en étant étudiant.es (et salarié·es bien souvent), nous ne pouvons - ne voulons - plus continuer comme cela. Nous sommes fatigué·es. Fatigué.es d’essayer de pallier à l’inaction de l’Etat alors que nous sommes nous-mêmes précaires. Fatigué·es de voir chaque jour de nouvelles personnes ouvrir pour la première fois la porte de notre local. Fatigué·es de devoir nous organiser pour récupérer des produits de plus en plus loin. Fatigué·es de nous battre pour des miettes. 

Depuis les premières distributions il y a 4 ans, nous ne comptons plus le nombre de reportages, d’articles, de témoignages et même de médailles qui encensent notre association et nos actions en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire et contre la précarité étudiante. Cependant, nous, membres de l’association, ne portons pas un constat aussi idyllique. L’anniversaire des quatre ans, s’il est bien sûr un moment festif et l’occasion de remercier toutes les personnes qui organisent la solidarité, constitue pour nous un moment clé de mise en lumière de nos contradictions.

 Acheter des produits locaux biologiques pour soutenir l’agriculture durable ou distribuer des produits hyper transformés issus de l’agro-industrie… Polluer le moins possible mais aller toujours plus loin pour récupérer des denrées… Récupérer des invendus des supermarchés ne suffit plus, faut-il alors réaliser des collectes qui alimentent un système productiviste en décalage avec nos valeurs et qui sont bien souvent vectrices d’une solidarité entre précaires ? Vouloir être indépendant.es tout en répondant à des appels à projets publics et en bénéficiant de dons des entreprises privées… 

Nous jonglons aujourd’hui de moins en moins confortablement entre la lutte contre le gaspillage alimentaire et celle contre la précarité étudiante, puisque la première ne nous permet plus de satisfaire la seconde. Sensibles à l'absurdité de notre système social autant qu'à celle de l'agro-industrie, notre combat est pris dans une insupportable contradiction, comment repenser ce système de surproduction tout en essayant de pallier l’urgence de la précarité étudiante. 

La précarité s’aggravant, ces enjeux deviennent de plus en plus antagonistes, cette double temporalité d’agir dans l’urgence tout en pensant un système moins précarisant n’est aucunement anticipée par les pouvoirs publics bien souvent enfermés dans une vision court-termiste. En effet, les 10 millions d’euros du gouvernement pour l’aide alimentaire destinée aux étudiant.es raisonnent dans nos esprits comme un pansement sur une plaie béante, ce sont bien des mesures pérennes et non des aides ponctuelles qui permettraient de stabiliser la situation de la population estudiantine. 

Puisque se nourrir n’est pas un droit, mais un besoin, nous, bénévoles de l'Épicerie Gratuite et pour beaucoup également bénéficiaires de l’aide alimentaire, revendiquons ainsi :

 - L’instauration de la Sécurité Sociale de l’Alimentation : 150 euros/mois pour des achats alimentaires financés grâce à des cotisations

. - L’inconditionnalité des repas Crous à 1 euro car la précarité étudiante ne se réduit pas à des critères administratifs.

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